Jofo, ses amours, ses guerres et autres batailles.
En créant son alphabet personnel et son univers affectif d’histoires de « totos », Jofo s’amuse, délivre des messages (à qui veut les entendre), transforme les rêves en utopie, s’offusque parfois, se rebelle aussi sans jamais de méchanceté. Sa peinture faite de libertés, parle de ses enfants, de société, d’amour, de sexualité, de rock, de guerre, de petits bonheurs… L’art et la vie se dissout dans une œuvre simplement poétique. Il a imaginé un monde dynamique et ludique dont les formes dominantes sont empruntées au langage de l’imagerie enfantine. Volontairement malhabiles, les figures enchevêtrées, déstructurées de ses premières
peintures sont devenues plus facilement lisibles. Puissamment expressionnistes elles se sont affinées avec le temps. Et puis la naissance de toto semble avoir assagi son style. Si le graphisme de son nouveau héros a conservé la vigueur et l’assurance des cernes noires qui délimitaient ses premiers aplâts colorés, il a acquis une plus douce expressivité. Le perpétuel mouvement des lignes qui est une des caractéristiques de son style sur la toile n’empêche pas la lecture immédiate des histoires. L’écriture qui se superpose au dessin dans de nombreuses œuvres rend la parole aux images dans l’espace symbolique et réel de l’imagination en train de se faire. La grande force visuelle des peintures de Jofo, son goût pour l’harmonie des couleurs vives, l’équilibre dans la composition, et l’apparente insouciance des ses sujets ne cessent d’émerveiller depuis plus de quinze ans.
En fait l’évolution plastique de son œuvre peinte semble porter en elle les empreintes, la personnalité de l’artiste : curieux, Jofo expérimente des techniques diverses (peint une série de toile à la main gauche, introduit du collage, insère les dessins de ses enfants sur ses toiles…) ; pertinent, il s’expose dans les rayons d’un supermarché (« l’art dans votre caddie ») ; audacieux, il transforme une exposition dans une très belle salle classique de Bordeaux en un hommage attachant à son fils qui vient de naître (« it’s a wonderful boy!’).
Jofo a aussi conservé l’enfantine passion des jeux de guerre, de ses soldats en plastique « airfix », de ses héros anonymes. Pourtant cette source d’inspiration le renvoie à l’amertume de la réalité cruelle des événements contemporains. Le peintre exorcise avec une lucidité ironique, une gravité légère cette actualité. Sa palette s’assombrit en vert kaki et toto revêt les attributs du soldats Ryan pour délivrer ses messages de paix (c’est la guerre…very funny !) Jofo l’humaniste, voyage, découvre avec émotion les ruines encore fumantes de
Sarajevo, reprend son souffle au milieu des étales parfumés des souks Ivoiriens ou Marocains.
Toto avec son bâton de pèlerin médite-t-il au pied des minarets colorés sur un monde désenchanté ?
Et puis plus rien ne sera jamais comme avant, « damned tout va changer » 11 Septembre 2001, qui peut prétendre encore « être présumé innocent » ? Toto s’agite, doute, bouleverse le fil de ses histoires rieuses et profite de son âme d’enfant pour dénoncer le monde absurde des adultes…
Florence Fargeaut.
